Suite à l'avant-dernière Masse Critique de Babelio, j'ai eu la chance et l'immense honneur de recevoir ce recueil de nouvelles de l'auteur Lucius Shepard. Un grand merci aux éditions J'ai lu et à Babelio pour ce plaisir de lecture.
Un immense dragon, long et haut de plusieurs mètres voire kilomètres a été pétrifié il y a plusieurs années par un puissant magicien. Le cœur du monstre ne bat plus, mais son activité cérébrale continue. Et quelle puissance d'esprit ! Ainsi assoupi telle la princesse au bois dormant, mais version à l'envers (cette fois c'est le dragon qui est assoupi), la bête est désormais ensevelie sous la végétation, et une véritable ville a même élu domicile sur son dos. Mais dans les recoins de ses ailes, non loin de ses griffes, ou pire à hauteur de son œil ou de sa gueule, il existe de nombreux lieux maudits où le mal règne et où l'on raconte des histoires terribles survenues aux audacieux venus bravés l'interdit. La dragon dort, mais son esprit poursuit sa néfaste action ! Et les habitants alentours en font les frais, persuadés d'être manipulés par l'énorme monstre. Il faudrait le tuer pour de bon, et c'est ce que propose
L'Homme qui peignît le dragon Griaule, la nouvelle qui ouvre le bal. Et qu'arrive-t-il lorsqu'on est soudain pris au piège dans la gueule du monstre ? Ou qu'une secte à la gloire du dragon, élevé au rang de Dieu, manipule sans vergogne de pauvres hères ? D'autres histoires alimentent la légende de ce véritable monstre divin et font de ce recueil une véritable épopée.
J'ai beaucoup aimé ce recueil. Ne serait-ce que parce qu'il nous offre une vision totalement différente de ce monstre de légende qu'est le dragon, trop souvent relégué à un simple monstre couvant son trésor, ou à un être supérieur à l'homme. Il est bon d'explorer cette face sinistre, mauvaise, complexe, qui pèse de tout son poids sur nous et nous oppresse. L'auteur arrive à nous faire ressentir la masse énorme de la bête, tant dans l'atmosphère générale de la plupart des histoires, qu'à travers l'angoisse que suscite Griaule auprès des différents protagonistes qui peuplent ce recueil. Plus qu'un rassemblement de différentes histoires sur un même thème, les nouvelles répondent chacune à une question sur Griaule, qu'il s'agisse de l'époque où il a été pétrifié, de celle d'avant sa pétrification, ou encore de son influence jusqu'à son état de démantèlement. Sa puissance paraît sans limite, et nous frappe dans toute son horreur. Lucius Shepard atteint le tour de force de nous faire peur avec une bête si légendaire, si fantastique, si populaire, qu'elle en avait justement perdu de sa superbe. Et si vous cherchez à retrouver cette puissance écrasante, incommensurable, difficilement envisageable tant qu'elle n'est pas vécue, alors plongez-vous dans ce recueil sans plus tarder, ne serait-ce que pour rencontrer Griaule. Plus jamais vous ne regarderez les dragons comme avant…
Je ne mettrai pas la note maximum à ce recueil, car il reste, tout comme n'importe quelle épopée, un poil lourd en fin de compte, au fil de toutes ces nouvelles que l'on enquille sans pause. Mais il n'empêche que chaque histoire apporte un univers différent dans un monde commun, un autre tour de force réussi par l'auteur. Pour ceux qui veulent lire une histoire au long cours, n'hésitez pas. Pour ceux qui veulent de l'action rapide, efficace et sans réflexion, passez votre chemin (mais revenez-y dès que vous vous sentirez d'en attaquer sa lecture quand même).
J'ai tenu à vous montrer les deux couvertures car je trouvais un peu trop timide celle de J'ai lu. Au contraire, celle du Bélial, parution en grand format, accuse de toute la majesté du dragon et rend compte de son importance, totalement oppressante.