lundi 25 mai 2015

Lecture : Les Vestiges du jour


Dans le cadre de la dernière session du Club Sormand, je me suis lancée dans la lecture de ce roman (pour lequel j'avais voté !).

Stevens est un majordome dans une riche demeure, Darlington Hall, qui appartenait autrefois à un Lord qu'il a servi de nombreuses années. Le nouveau propriétaire est un américain et Stevens doit s'adapter aux coutumes de son nouveau maître, mais aussi à la restriction du personnel, l'obligeant à une gestion qui l'éloigne des traditions. Pour autant, Mr Farraday est loin d'être désagréable, il propose même à Stevens de prendre quelques congés et d'emprunter la voiture pour se faire. Après mûres réflexions, ce sera l'occasion pour lui de revoir la gouvernante avec qui il travaillait du temps de Lord Darlington, Miss Kenton. Cette dernière, qui s'est mariée il y a de cela quelques années, provoquant son départ de Darlington Hall, ne semble pas heureuse en ménage, et Stevens suppute qu'elle pourrait peut-être désirer reprendre son rôle de gouvernante à Darlington Hall.

Mon Jules a beaucoup aimé et l'a littéralement dévoré. Il le compare à Gosford Park ou encore Downtown Abbey pour l'ambiance.
Il est vrai que la comparaison peut se justifier mais je n'ai pas ressenti le même enthousiasme à la lecture de ces sortes de mémoires d'un majordome. La lecture était agréable, mais ce n'est pas un coup de cœur. Le rythme est un peu lent et, même si l'écriture est parfaite, totalement adaptée au personnage et nous plonge sans aucun effort dans l'histoire et à la place de Stevens, cela manque un peu d'étincelle qui suscite l'intérêt. On suit bien sagement les réminiscences du majordome qui raconte sa vie de domestique, de sa conception de la dignité au sens même de sa vie qu'il résume à son service auprès d'un grand homme, lui-même au service de la justice et de l'Humanité. Cette œuvre l'aveugle tout à fait, tant qu'il ne voit pas les sentiments qu'il puisse éprouver pour d'autres (je n'en dirai pas plus, je vous laisse découvrir en le lisant), ni même les erreurs de son maître qui n'a pas suivi la bonne voie pour servir l'Humanité. C'est surtout le refoulement de ses sentiments qui seront peut-être plus douloureux pour lui, même si, à aucun moment, il ne l'admet si ouvertement ni même n'effleure cette prise de conscience. Tout est en subtilité et je l'admets, c'est peut-être la force de ce roman couplé de sa belle plume.
Cela dit, il n'en reste pas moins que j'ai trouvé le rythme de l'histoire un peu trop "plan plan" à mon goût. On suit les réflexions d'un majordome vieillissant et cela manque d'intrigues et de rebondissements. Mais peut-être que mon erreur est bien d'y avoir attendu un Gosford Park, justement. Car, mis à part qu'il s'agisse d'une histoire de majordome, la comparaison s'arrête là. C'est bien plus une réflexion sur une vie presque complète au service d'une maison et du sens que cette vie peut avoir lorsque la retraite approche… Que devient-on, qu'est-on après avoir servi plus de trente ans une même demeure, et surtout, que signifie notre vie lorsqu'elle a finalement été dirigée par un autre ?
Je n'étais décidément pas prête à ce genre de réflexions… Cela dit, même si ce livre ne m'a pas laissé de réelle empreinte, il a le mérite de faire réfléchir et aura le mérite de provoquer peut-être des débats intéressants au sein du Club.
En tout cas, rien que pour l'écriture très plaisante, je vous conseille ce classique !

mardi 5 mai 2015

Lecture : L'Architecte du sultan


Dans le cadre d'une Masse critique spéciale (réservée à une poignée de membres) j'ai reçu ce roman d'Elif Shafak. Un grand merci à Babelio et aux éditions Flammarion de m'avoir fait découvrir cette auteure et son univers.

L'histoire se passe à Istanbul au XVIe siècle. Jahan y arrive par bateau sur lequel il est devenu, par un concours de circonstances et surtout par intérêts du capitaine, un cornac, un éleveur d'éléphant. Chota est un éléphant particulier puisque blanc et Jahan sera introduit au palais du sultan. Là-bas, il y apprendra la vie et fera des rencontres qui modifieront sa vie, comme celle avec Sinan, architecte du sultan dont il deviendra l'apprenti.

Ce roman est celui d'une vie, celle de Jahan, sur fond historique. Une sorte d'uchronie bien menée puisque le lecteur ne peut lâcher ce petit cornac qui débute au bas de l'échelon et gravira les marches sociales vers les plus hautes sphères. Il y rencontrera l'amour, la trahison, l'amitié incongrue de gitans et surtout celle d'un animal plus humain que la plupart des hommes qu'il côtoiera.
J'ai beaucoup aimé suivre les pas de ce modeste personnage au milieu de "grands hommes". Même si le rythme n'est pas toujours soutenu, cela reflète d'autant mieux les aléas de la vie qui n'est pas toujours palpitante ou ponctuée d'événements inoubliables. La richesse de cette histoire tient aussi à sa capacité à conter une vie, en restant fidèle au réalisme et à sa logique : l'amour de Jahan est impossible et ce n'est pas la magie littéraire qui le transformera en possible. Au contraire. On a vraiment l'impression d'ancrer notre vision dans celle de cette époque et de ce lieu. Moi qui ne connaissais pas cette période et cette ville, j'ai pu me gorger de son atmosphère que je crois proche de sa réalité historique. Jahan est loin d'être un personnage lisse, tout comme la plupart de ceux qu'il croise. Peut-être que la figure de Sinan paraît trop idéalisée mais c'est le schéma littéraire cette fois-ci qui l'impose je pense : tout jeune homme en apprentissage a besoin d'un maître qui le guide, et ce maître est souvent idéalisé.
Que l'on prenne ce roman pour une uchronie ou pour seulement le conte d'une vie, on passera un bon moment. À la fois dépaysant et riche, ce roman nous prend par la main et nous conduit dans les rues d'Istanbul sans qu'on veuille ou puisse le lâcher. Une très belle découverte que je me félicite d'avoir connue et que je conseille !