jeudi 28 janvier 2016
Lecture : Le Maître du Jugement dernier
Le baron Von Yosh participe à un récital privé chez son ami Eugen Bischoff, acteur célèbre sur le déclin, et à qui tous ses proches cache la récente faillite de sa banque, et par là-même sa ruine.
Au cours de la soirée, le maître de maison fera le récit d'une étrange affaire de suicide qui porterait plutôt à croire à un meurtre déguisé, ou quelque chose de ce genre.
Alors que la soirée se poursuit, l'acteur s'isole un moment pour se préparer à interpréter son prochain rôle face à ses proches. Deux coups de feu se font soudain entendre et l'on constate très vite qu'Eugen Bischoff est mort, après s'être tiré une balle dans la tête. Cependant des indices semblent prouver que le baron ne serait pas étranger à ce drame…
J'avais ce court roman endormi dans ma bibliothèque (qui est un immense dortoir pour plein de merveilles) et, suite à la récente critique d'une amie, il s'est réveillé et m'a tendu les bras. J'avais déjà lu un autre roman de l'auteur, qui m'avait beaucoup plu. Celui-ci est tout aussi bien. Sans être un coup de cœur, il est cependant bien écrit : on oscille entre l'étrange et l'enquête policière, entre le mystère religieux et l'énigme teintée de fantastique. Tout est embrumé, noyé dans une ambiance pâteuse d'un lendemain de fête où l'on pense avoir rêvé l'horreur. Le cauchemar environnant persiste pourtant et l'on doit choisir entre l'affrontement ou la fuite, sans pour autant être en état de combattre. Le héros doute de lui-même, de cet ami du défunt persuadé de connaître la vérité mais cherchant les preuves, de la réalité même. Est-il vraiment coupable, Solgrub a-t-il finalement raison de penser le contraire ? Et pourquoi le défunt a-t-il eu ce regard haineux à l'encontre du baron, juste avant de pousser son dernier souffle ?
On ne sait pas trop où l'auteur veut nous mener mais on se laisse bien faire car l'ambiance particulière teintée d'une angoisse presque irrationnelle, d'un mystère épaississant, s'ajoute à une franche sympathie pour le héros qui nous narre cette sombre histoire et que l'on sent perdu. Il n'a rien d'un personnage lisse, bien au contraire, et on le sent habité d'une part sombre qui nous perturbe et nous rend compatissant à son égard : ce côté obscur qui nourrit l'intrigue et nous fait douter à notre tour. Un vrai moment de plaisir qui se savoure vite et bien, sans éclat ni réserve. À lire !
mercredi 20 janvier 2016
Lecture : Le Trésor du Faucon
Lors du dernier Salon du Livre de Paris, je me suis laissée tenter par ce roman édité par Les Moutons électriques (et qui me faisait de l'œil comme tant d'autres sur leur stand). Et je dois dire que le charme a opéré…
J'ai beau essayé de faire une analyse objective, réfléchie, s'appuyant sur des faits et une critique étayée, je ne peux m'empêcher de penser que tout ça n'est que de la poudre aux yeux (comme je le pense à chacune de mes critiques). Alors, je vais plutôt m'abandonner dans le "vilain" subjectif et vous expliquer ce qui m'a beaucoup plu dans ce roman.
D'abord, le manuscrit de cette histoire a été sauvé des eaux, au sens totalement littérale du terme, par la femme de l'auteur, le couple étant passagers du Titanic. Vous me direz : qu'est-ce que c'est que cette histoire de feuilleton rocambolesque, c'est pire qu'une mauvaise série américaine. Bouh la mauvaise histoire pour faire vendre le livre. La pauvre femme est montée dans le canot de sauvetage et comme adieu déchirant, son mari lui confie son manuscrit avant de sombrer avec le paquebot à des miles et des miles sous les eaux sombres et glacées (et j'ose même vous faire l'affront d'un parallèle dégoulinant de pathos avec ce bon vieux Leonardo Di Caprio dans le film homonyme). C'est bas, je sais. Mais c'est ce qui m'a fait acheté ce livre aussi (et je suis pathétique, je sais). Ba oui, une histoire qui a été sauvée du naufrage du Titanic ça donne une dimension assez mystérieuse, on se dit qu'il aurait pu sombrer aussi, que c'est à la fois une chance et une tragédie que porte en lui ce roman ! Bref, on se dit qu'on ne peut pas bouder cette chance de lire un manuscrit dont la vie ne tenait qu'à un fragile canot de sauvetage et qui a connu la mort tragique de son créateur ! Il faut le lire, ne serait-ce que comme un hommage, à l'auteur et au destin…
Ça y est, on s'est fait avoir comme une bleusaille par un truc vieux comme le monde. Tant pis, on assume la dépense et on lit.
Bien sûr, l'histoire n'est pas celle du naufrage du Titanic (même si c'est un peu bête de le souligner, je préfère enfoncer quelques portes ouvertes, sait-on jamais pour celui ou celle qui n'aurait rien suivi jusqu'ici de mon petit laïus). Elle narre celle d'un gentleman-cambrioleur, qui a passé quelque temps à l'ombre pour se faire oublier de son ami policier Meredith et qui revient à New York. Et pour son retour, il trouve dans une maison abandonnée où il comptait passer la nuit rien moins qu'un bijou volé au British Muséum… il est au mauvais endroit au mauvais moment diront certains mais lui, Le Faucon, il ne l'entend pas de cette oreille. Bien au contraire, c'est une chance pour lui de renouer avec son passé bien plus fastueux que son présent miséreux en ayant une occasion inespérée d'entrer en possession d'un bijou d'une valeur inestimable. Bon, évident, il va encore falloir jouer au chat et à la souris avec Meredith, mais c'est le sourire aux lèvres, et avec, en cadeau bonus, une rousse sulfureuse aux yeux bleus comme des saphirs belle comme un diamant ! Avec un caractère bien trempé ça va sans dire, mais notre gentleman cambrioleur saura en tirer parti… à moins que le lecteur ne se méprenne sur l'homme en question. Car oui, l'auteur joue un peu avec nous en ne nous dévoilant pas vraiment l'identité mystère derrière laquelle se cache notre monte-en-l'air, pour notre plus grand plaisir.
On goûte ce jeu de cache-cache, de chat et souris, de faux semblant, de mystère, d'espion et de voleur avec un grand plaisir car le ton est celui du début du XXe siècle, lorsque gentleman et galanterie riment avec charme, désinvolture, risque et séduction. Les belles femmes au chevelure de feu côtoient ces messieurs à la mise impeccable, cigarette de côté et chapeau de travers. On aime se faire un peu bousculé lorsque le fautif est un bel homme ténébreux au sourire charmeur et charmant qui se moque un peu de nous gentiment sans pour autant manquer à ses devoirs courtois. J'adore ! Ça ne laisse pas grand chose en tête mais ça n'a pas la prétention de vouloir le faire. Un agréable moment de plaisir gratuit sans promesse et plein de légèreté comme une brume de parfum ou de cigare… suffisamment bien écrit pour nous faire oublier les mots.
À lire, pour commencer doucement l'année.
mardi 12 janvier 2016
Lecture BD : Nora
Lors du dernier Masse Critique de Babelio, j'ai reçu cette BD très sympathique, que j'avais repérée tantôt au salon du livre et que j'avais hâte d'explorer. Un grand merci à Babelio et aux éditions de la Gouttière.
Les parents de Nora déménage et pendant cette période d'emballage carton et grand ménage, ils confient la fillette à son oncle à la campagne. Nora bougonne et n'est pas franchement enchantée par ces vacances forcées, mais elle s'adapte et s'approprie rapidement les lieux, aidée de la chatte enceinte de son oncle. Perchée sur une branche d'un énorme arbre dans le tronc duquel elle a niché son petit monde, elle découvre la voisine de son oncle, une vieille dame qui passe ses journées seule assise sur un banc. Triste pour elle, elle comble ce vide qui entoure la vieille femme en inventant son grand amour pas encore né…
C'est très charmant et très frais. Le dessin est très agréable, en bicolore et au traits fins et expressifs, sans aucun parasite dérangeant. Simple, précis, et joliment arrondi, le dessin est plus présent que le texte ou le dialogue et ce "silence" ou cette image parlée nous fait un bien fou lorsqu'on souhaite explorer un BD : l'image prévaut sur le texte et l'histoire se fait trait sans aucune lettre. Nora devient vite attachante et l'on se retrouve dans l'imaginaire débordant et complètement logique de la fillette qui accable son oncle, sans enfant et veuf, de questions souvent dérangeantes, parfois déroutantes, et qui finira par rapprocher les deux protagonistes autour de leur deuil respectif.
À découvrir !
mardi 5 janvier 2016
Lecture : La Dame en blanc
Première lecture terminée de 2016 ! En passant, j'en profite pour souhaiter une bonne année. Dès que j'ai un moment, je ferai un petit bilan de l'année 2015 en lecture.
Mais là, il me faut parler du grand Wilkie Collins ! J'avais été enchantée par la lecture d'autres titres de cet auteur anglais contemporain de Dickens : Pierre de Lune, L'Hôtel hanté, Une belle canaille. Et l'on m'avait vanté ce roman que l'on disait bien supérieur à ces lectures déjà fort sympathiques. Alors, je me lance. Et là, la magie opère.
Walter Hartright est un jeune professeur de dessin qu'un ami va recommander pour enseigner cet art à deux demoiselles de bonne famille, dans un domaine de la campagne anglaise. La veille de son départ, alors qu'il rentre chez lui après une dernière soirée passée auprès de sa mère et de sa sœur, le jeune londonien sursaute à l'appel d'une jeune femme toute habillée de blanc qu'il croise sur la route. Cette étrange rencontre n'en sera que plus bouleversante lorsqu'il fera celle de l'une des deux demoiselles à qui il doit enseigner le dessin et qui se révèle le portrait craché de l'autre, pourtant sans lien de parenté évident.
Je n'en dirai pas plus, il faut absolument lire ce chef d'œuvre incontournable de la littérature anglaise. La traduction de libretto me semble tout à fait honnête, puisque je me suis complètement délectée de cette lecture : l'écriture est un total bonheur, les mots s'enchaînent avec aisance et même lyrisme, on se plairait presque à le lire à haute voix rien que pour le plaisir des mots et de la langue à la musique si juste ! Quant à l'histoire, la quatrième ne ment pas : c'est bien les prémices du thriller parfaitement bien mené. On apprécie le début de l'histoire et surtout la scène saisissante entre la dame en blanc et le héros : la tension est vraiment à son comble et l'on sursaute presque avec ce jeune professeur de dessin qui, en pleine nuit, sur une route déserte baignée de brouillard londonien à souhait, se voit interpeller par une dame toute de blanc vêtue et qui semble perdue. On est entre le spectre anglais et la légende bretonne, en plein atmosphère étrange et surnaturelle des spirits qui ont contrebalancé l'univers mécanique et matérialiste de l'industrialisation anglaise. On lit à toute vitesse en retenant son souffle et on espère bien sûr davantage de tension. Puis on passe à la douce romance, qui taquine le tragique, pour enfin retomber dans le pur thriller où la fragilité féminine doit faire face aux machinations vénales d'un homme sans vergogne. L'on traverse les méandres de cette histoire complexe, non pas par la voix impersonnel d'un narrateur omniscient, mais par les voix des différents acteurs selon leur implication au moment de l'action. C'est d'ailleurs là tout le génie de l'auteur qui apporte à l'histoire une dimension beaucoup plus personnelle et crédible en donnant à chaque situation toute sa densité possible et la tension portée par celui-là ou celle-là même qui l'a vécue. On frémit au rythme du battement de cœur de Marian, de Walter et même des autres personnages parfois plus secondaires qui sont confrontés à la même histoire mais apportent chacun leur tour le grain de sable qui renforce l'édifice. Le lecteur est totalement impliqué, et sa main tremble comme celle qui écrit ces lignes et lui confie ses peurs, ses angoisses, à la lumière d'une chandelle qui vacille, alors que la plume gratte fébrilement. On épie, on attend au détour de la ligne la révélation qui fera basculer le tout dans l'horreur ou l'indicible. Hitchock lui-même ne pourrait le nier : c'est un grand maître du thriller angoissant qui nous livre ici ce roman incroyable.
À lire tout de suite, sans tarder !!! (quoi, vous n'en êtes pas encore au chapitre 2 alors que vous finissez de lire ces lignes ?)
Mais là, il me faut parler du grand Wilkie Collins ! J'avais été enchantée par la lecture d'autres titres de cet auteur anglais contemporain de Dickens : Pierre de Lune, L'Hôtel hanté, Une belle canaille. Et l'on m'avait vanté ce roman que l'on disait bien supérieur à ces lectures déjà fort sympathiques. Alors, je me lance. Et là, la magie opère.
Walter Hartright est un jeune professeur de dessin qu'un ami va recommander pour enseigner cet art à deux demoiselles de bonne famille, dans un domaine de la campagne anglaise. La veille de son départ, alors qu'il rentre chez lui après une dernière soirée passée auprès de sa mère et de sa sœur, le jeune londonien sursaute à l'appel d'une jeune femme toute habillée de blanc qu'il croise sur la route. Cette étrange rencontre n'en sera que plus bouleversante lorsqu'il fera celle de l'une des deux demoiselles à qui il doit enseigner le dessin et qui se révèle le portrait craché de l'autre, pourtant sans lien de parenté évident.
Je n'en dirai pas plus, il faut absolument lire ce chef d'œuvre incontournable de la littérature anglaise. La traduction de libretto me semble tout à fait honnête, puisque je me suis complètement délectée de cette lecture : l'écriture est un total bonheur, les mots s'enchaînent avec aisance et même lyrisme, on se plairait presque à le lire à haute voix rien que pour le plaisir des mots et de la langue à la musique si juste ! Quant à l'histoire, la quatrième ne ment pas : c'est bien les prémices du thriller parfaitement bien mené. On apprécie le début de l'histoire et surtout la scène saisissante entre la dame en blanc et le héros : la tension est vraiment à son comble et l'on sursaute presque avec ce jeune professeur de dessin qui, en pleine nuit, sur une route déserte baignée de brouillard londonien à souhait, se voit interpeller par une dame toute de blanc vêtue et qui semble perdue. On est entre le spectre anglais et la légende bretonne, en plein atmosphère étrange et surnaturelle des spirits qui ont contrebalancé l'univers mécanique et matérialiste de l'industrialisation anglaise. On lit à toute vitesse en retenant son souffle et on espère bien sûr davantage de tension. Puis on passe à la douce romance, qui taquine le tragique, pour enfin retomber dans le pur thriller où la fragilité féminine doit faire face aux machinations vénales d'un homme sans vergogne. L'on traverse les méandres de cette histoire complexe, non pas par la voix impersonnel d'un narrateur omniscient, mais par les voix des différents acteurs selon leur implication au moment de l'action. C'est d'ailleurs là tout le génie de l'auteur qui apporte à l'histoire une dimension beaucoup plus personnelle et crédible en donnant à chaque situation toute sa densité possible et la tension portée par celui-là ou celle-là même qui l'a vécue. On frémit au rythme du battement de cœur de Marian, de Walter et même des autres personnages parfois plus secondaires qui sont confrontés à la même histoire mais apportent chacun leur tour le grain de sable qui renforce l'édifice. Le lecteur est totalement impliqué, et sa main tremble comme celle qui écrit ces lignes et lui confie ses peurs, ses angoisses, à la lumière d'une chandelle qui vacille, alors que la plume gratte fébrilement. On épie, on attend au détour de la ligne la révélation qui fera basculer le tout dans l'horreur ou l'indicible. Hitchock lui-même ne pourrait le nier : c'est un grand maître du thriller angoissant qui nous livre ici ce roman incroyable.
À lire tout de suite, sans tarder !!! (quoi, vous n'en êtes pas encore au chapitre 2 alors que vous finissez de lire ces lignes ?)
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